least

laboratoire écologie et art pour une société en transition

médias

  • Filtré par

    • Texte

    • Vidéo

    • Audio

    • Presse

    • Tous les médias

    Vivre le Rhône : bande-annonce

    Rencontrez le Rhône et le Natural Contract Lab.

    La sagesse du myxomycète

    Même les organismes les plus simples peuvent proposer de nouvelles façons de penser, d’agir et de collaborer.

    Intimité entre étrangers

    Lichens nous parlent d’un monde vivant dans lequel la solitude n’est pas une option viable.

    Un monde sous-optimal

    Un entretien avec Olivier Hamant, auteur du livre « La troisième voie du vivant » .

    Corps d’eau

    Embrasser l’hydroféminisme.

    Vivre le Rhône: le podcast

    Un projet audio qui retrace l’expérience de celleux qui se sont rapproché•es du fleuve en marchant.

    Un sentiment profond de devoir agir

    Entretien avec Myriam Roth, militante pour le climat.

    Vivre le Rhône : bande-annonce

    « Quelles sont les histoires qui existent déjà ? »

    Une vidéo de Carlos Tapia met en scène le Rhône, Maria Lucia Cruz Correia, Vinny Jones et Lode Vranken.

    La sagesse du myxomycète

    Le physarum polycephalum est une espèce étrange de myxomycète, constitué d’une membrane à l’intérieur de laquelle flottent plusieurs noyaux, raison pour laquelle on le considère comme un être « acellulaire », c’est-à-dire ni monocellulaire, ni multicellulaire. Malgré la simplicité de sa structure, il présente des caractéristiques remarquables : le physarum polycephalum peut résoudre des problèmes complexes et se déplacer dans l’espace en se déployant en « tentacules », ce qui en fait un sujet passionnant pour les expériences scientifiques.

    Le problème du voyageur de commerce est un problème algorithmique bien connu qui vise à optimiser les déplacements dans un réseau de chemins possibles. À l’aide d’une carte, des scientifiques de l’université d’Hokkaido ont placé un flocon d’avoine, dont se nourrit le physarum, sur les principaux carrefours du réseau de transport public de Tokyo. Libre de se déplacer sur la carte, le physarum a déployé ses tentacules qui, à la stupéfaction générale, ont rapidement reproduit les itinéraires réels des transports publics. Le mécanisme est très efficace : les tentacules s’étirent à la recherche de nourriture ; si elles n’en trouvent pas, elles sécrètent une substance qui leur signale de ne pas poursuivre ce même itinéraire.

    On aime envisager l’intelligence comme une chose incarnée, centralisée, qui se fonde sur la représentation. Le physarum nous apprend que ce n’est pas toujours le cas et que même les organismes les plus simples peuvent parfois suggérer de nouvelles façons de penser, d’agir et de collaborer.

    Intimité entre étrangers

    Couvrant près de 10 % de la surface de la Terre et pesant 130.000.000.000.000 tonnes – plus que l’ensemble de la biomasse océanique — ils ont révolutionné notre compréhension de la vie et de son évolution. Pourtant, peu de gens auraient parié sur cette espèce unique et néanmoins discrète : les lichens.

    Il y a 410 millions d’années, les lichens étaient déjà présents et semblent avoir contribué, par leur capacité érosive, à la formation du sol de notre planète. Les premières traces de lichens ont été trouvées dans le gisement fossile de Rhynie, en Écosse, et datent du Dévonien inférieur — le stade le plus précoce de la colonisation des masses terrestres par des êtres vivants. Leur résistance a été testée au cours de diverses expériences : les lichens peuvent survivre sans dommage à un voyage dans l’espace, supporter une dose de radiation douze mille fois supérieure à une dose mortelle pour l’être humain, survivre à une immersion dans l’azote liquide à -195°C et vivre dans des zones désertiques extrêmement chaudes ou froides. Ils sont si résistants qu’ils peuvent même vivre pendant des millénaires : on a retrouvé un spécimen arctique de « lichen géographique » vieux de 8 600 ans, ce qui en fait le plus ancien organisme vivant découvert au monde.

    Les lichens ont longtemps été considérés comme des plantes. Aujourd’hui encore, beaucoup les voient comme une sorte de mousse. Cependant, l’évolution technologique des microscopes au XIXe siècle a permis l’émergence d’une nouvelle découverte. Le lichen n’est pas un organisme unique, mais consiste plutôt en un système composé de deux êtres vivants différents, un champignon et une algue, unis au point d’être essentiellement indissociables. Peu de gens savent que le mot « symbiose » a été inventé précisément pour faire référence à l’étrange structure du lichen. Aujourd’hui, on sait que les lichens sont bien plus qu’une simple alliance entre un champignon et une algue. Il existe, en fait, une importante diversité d’êtres impliqués dans le mécanisme symbiotique, qui comprend fréquemment d’autres champignons, des bactéries ou des levures. Il n’est plus question d’un seul organisme vivant, mais bien d’un biome tout entier.

    La théorie de la symbiose a longtemps été contestée, car elle mettait à mal la structure taxonomique de l’ensemble du règne du vivant telle que Charles Darwin l’avait décrite dans « De l’origine des espèces », c’est-à-dire un système « arborescent » composé de branches progressives. L’idée que deux « branches » (appartenant, de surcroît, à des règnes différents) puissent se croiser remettait tout en question. De façon significative, le fait que la symbiose fonctionne comme une coopération mutuellement bénéfique bouleversait l’idée selon laquelle tout processus d’évolution se fonde sur la compétition et le conflit.

    La symbiose est loin d’être une condition minoritaire sur notre planète : 90 % des plantes, par exemple, sont caractérisées par la « mycorhize », un type particulier d’association symbiotique entre un champignon et les racines d’une plante. Parmi celles-ci, 80 % ne survivraient pas si elles étaient privées de leur association avec un champignon. De nombreuses espèces de mammifères, dont l’humain, vivent en symbiose avec leur microbiome : un ensemble de micro-organismes qui évoluent dans le tube digestif et permettent l’assimilation des nutriments. Il s’agit là d’une relation symbiotique très ancienne et spécifique : chez l’humain, la différence génétique du microbiome entre une personne et une autre est plus grande encore que leur différence génétique cellulaire. Pourtant, le succès évolutionnaire des relations symbiotiques ne se limite pas à ces données extraordinaires : il est essentiel à l’émergence de la vie telle que nous la connaissons, dans un processus que la biologiste Lynn Margulis a nommé « symbiogenèse ».

    La symbiogenèse postule que les premières cellules sur Terre sont issues de relations symbiotiques entre des bactéries, qui se sont développées en organites responsables du fonctionnement cellulaire. Plus précisément, les chloroplastes — les organites capables d’effectuer la photosynthèse — sont issus de cyanobactéries, tandis que les mitochondries — les organites responsables du métabolisme cellulaire — proviennent de bactéries capables de métaboliser l’oxygène. La vie, semble-t-il, a évolué à partir d’une série de rencontres symbiotiques et, malgré de nombreux changements catastrophiques liés à la géologie, à l’atmosphère et aux écosystèmes de la planète à travers le temps profond, elle s’écoule sans interruption depuis près de quatre milliards d’années.

    Plusieurs scientifiques tendent à interpréter la symbiose chez les lichens comme une forme de parasitisme de la part du champignon, car ce dernier retirerait davantage de la relation que les autres organismes. Ce à quoi le naturaliste David George Haskell, dans son livre « The Forest Unseen », répond : « Comme une agricultrice qui s’occupe de ses pommiers et de son champ de maïs, un lichen est une fusion de vies. Une fois l’individualité dissoute, le tableau des vainqueurs et des victimes n’a plus guère de sens. Le maïs est-il opprimé ? La dépendance de l’agricultrice vis-à-vis du maïs fait-elle d’elle une victime ? Ces questions sont fondées sur une séparation qui n’existe pas. » La coopération multi-espèces se trouve au centre même de la vie sur notre planète. Des lichens aux organismes unicellulaires en passant par notre vie quotidienne, la biologie nous parle d’un monde vivant dans lequel la solitude n’est pas une option viable. Lynn Margulis a décrit la symbiose comme une forme « d’intimité entre étrangers » au cœur même de la vie, de l’évolution et de l’adaptation.

    Un monde sous-optimal

    Biologiste transdisciplinaire et chercheur à l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) à Lyon, Olivier Hamant est engagé dans des projets d’éducation à la question socio-écologique à l’institut Michel Serres. Son livre « La troisième voie du vivant » envisage un avenir « sous-optimal » pour survivre à la crise environnementale : dans cet entretien, l’auteur fait l’éloge de la lenteur, de l’inefficacité et de la robustesse, et nous enjoint d’accepter un certain degré de chaos dans nos vies.

    Auteur-e-s et philosophes se sont toujours inspiré-e-s de la nature pour spéculer sur la réalité et la société, mais souvent avec une approche instrumentale. Vous aussi, vous vous inspirez de la nature, mais, partant de votre position de biologiste, vous arrivez à des considérations qui remettent en cause nos préjugés sur le fonctionnement de la nature. Comment votre questionnement a-t-il commencé ?
    Pendant mon doctorat, mes travaux ont porté sur la biologie moléculaire appliquée aux plantes. Je me suis intéressé à des questions de contrôle génétique et informationnel. C’était un exemple évident d’imaginaire industriel transposé à la biologie : on utilisait des organigrammes, on dessinait des schémas de cascades de gènes, on parlait de « lignes de défense » ou de « canalisation métabolique »… Toute une sémantique qui implique que la vie serait comme une machine. Après mon doctorat, j’ai voulu faire quelque chose de plus intégré et interdisciplinaire, afin d’avoir une vision systémique de la biologie. Cette trajectoire ma confirmé que ce que je croyais savoir était erroné : j’avais été pollué par ce concept du « vivant-machine » et c’est là que j’ai commencé à dévier.

    Le livre est une véritable leçon de « désapprentissage ». Vous vous amusez à renverser certains concepts contemporains qui peuvent sembler positifs mais qui ne le sont finalement pas, comme « l’optimisation » par exemple.
    L’optimisation est l’archétype du réductionnisme : pour optimiser, il faut d’abord réduire le problème pour le résoudre. En général, quand on résout un petit problème, on en crée d’autres ailleurs. Prenez l’exemple du canal de Suez : c’est une optimisation, du transport maritime en l’occurrence, qui nous rend très vulnérable. Il suffit d’un bateau de travers et c’est fini, on ne peut plus rien envoyer entre l’Asie et l’Europe !

    Qu’en est-il de « l’efficacité » ?
    La photosynthèse est probablement le processus métabolique le plus important sur Terre : elle existe depuis 3,8 milliards d’années et elle est à l’origine de toute la biomasse et donc de toutes les civilisations. Le « rendement » de la photosynthèse est en général inférieur à 1%. Les plantes gaspillent donc plus de 99% de l’énergie solaire ; elles sont vraiment, vraiment inefficaces. Les plantes n’absorbent pas toute la lumière : le fait qu’elles soient vertes impliquent qu’elles absorbent les bords de l’arc-en-ciel, la lumière rouge et bleu, et elle reflète le centre (le vert). Pourquoi donc ce gaspillage ? Des chercheurs ont montré que c’est une réponse aux fluctuations de la lumière. La lumière et les cellules ne sont pas stables. Absorber les deux extrêmes (rouge et bleu), plutôt que toute la lumière du soleil, autorise les fluctuations. Les plantes gèrent cette variabilité avant le rendement. Elles construisent leur robustesse contre la performance.
    Aujourd’hui, on sait que le monde est instable et les rapports scientifiques prédisent qu’il le sera davantage encore à l’avenir : on ne devrait pas se concentrer sur des questions d’efficacité mais de robustesse. Lorsqu’on cherche à s’inspirer de la biologie, on se focalise souvent sur les principes de circularité ou de coopération. C’est un bon début, mais si on ne tient pas compte de la robustesse construite contre la performance, cela ne fonctionnera pas. Par exemple, si on invente une circularité efficace, on ne prendra pas assez de marge de manœuvre (pour les événements extrêmes) et on finira par épuiser nos ressources. Si on rend la coopération efficace, on fera plutôt du gagnant-gagnant contreproductif et on en laissera certains sur le banc de touche. La robustesse est donc le principe le plus important car elle rend la circularité et la coopération opérationnelles.

    Dans votre livre, vous êtes particulièrement critique envers le principe de la performance et vous établissez un parallèle entre violence contre l’environnement et burnout.
    La performance génère le burnout, c’est bien décrit. Il peut donc s’agir du burnout d’une personne comme d’un écosystème. La trajectoire vers le burnout est suffisante pour condamner le tout-performant, mais, en plus, la performance est contre-productive à d’autres titres. Un exemple typique est celui des compétitions sportives : vous voulez finir premier et vous êtes prêt à tout, y compris à vous doper ou à tricher. Cela n’a rien à voir avec le sport et c’est préjudiciable à votre santé ou à votre carrière.

    Vous prenez également des concepts, comme la lenteur ou l’hésitation, qu’on interprète en général négativement et vous expliquez qu’ils sont en fait positifs…
    La lenteur et l’hésitation sont les clés de la compétence. On peut l’illustrer avec les cellules souches. Les biologistes se sont concentrés sur ces cellules parce qu’elles sont extraordinaires : elles peuvent renouveler toutes sortes de tissus. Pendant longtemps, on a pensé que tout cela était contrôlé par un organigramme hyper contrôlé. Il s’avère pourtant qu’un élément clé est leur lenteur : les cellules souches hésitent tout le temps et, parce qu’elles hésitent, elles peuvent tout faire ! Les délais mettent du jeu dans les rouages. J’irai même plus loin : la lenteur est un levier indispensable de la transformation. Pour changer, il faut savoir s’arrêter d’abord. C’est comme être dans une voiture à un carrefour : si vous voulez changer de direction, vous devez vous arrêter, mettre votre clignotant et tourner. Si vous ne vous arrêtez pas, vous ne changerez pas.

    Le changement est le mot clé ici. Les sciences dures, les chiffres et les systèmes de prédiction n’ont souvent pas la capacité de prendre en compte les imprévus ou le changement, ce qui nous donne l’illusion d’avoir une certaine forme de contrôle sur la réalité.
    Heureusement, nous avons fait des progrès et maintenant, il s’agit plutôt d’utiliser les chiffres pour comprendre l’imprévisibilité du monde (au lieu d’utiliser les chiffres pour le contrôler). Par exemple, au laboratoire, on travaille sur la reproductibilité des formes des organes. Dans un champ de tulipes, toutes les fleurs se ressemblent. On pourrait imaginer un processus comme chez IKEA : construire des objets avec le même protocole les rend aussi reproductibles. Mais ce n’est pas le cas chez les vivants ! Lorsqu’une fleur émerge, certaines cellules se divisent, d’autres meurent, les molécules vont et viennent… Bref, c’est le bazar. Et pourtant, au final, le miracle se produit : vous obtenez une fleur qui a la même forme, la même couleur et la même taille que sa voisine. Nous avons montré que la fleur utilise et même stimule toutes sortes de comportements erratiques, justement parce qu’ils apportent beaucoup d’informations, pour atteindre cette forme reproductible ! Encore une fois, on construit de la robustesse contre la performance.

    Donc, il nous faudrait accepter un certain degré de chaos ?
    Le sociologue Gilles Armani m’a raconté un jour une histoire sur la façon de traverser un fleuve impétueux. Le Rhône présente plein de tourbillons : à la nage, vous risquez d’être pris au piège et vous vous noierez. Lorsque les gens étaient habitués à vivre avec les rivières et, s’ils se retrouvaient pris dans le courant en nageant, ils ne se débattaient pas : ils inspiraient, se laissaient emporter par le tourbillon et le fleuve les recrachait plus loin, jusqu’à arriver près de la rive. Dans un monde fluctuant, il n’est plus question de destination à atteindre le plus rapidement possible, on se concentre sur la viabilité, construite non pas contre, mais sur les turbulences.

    Image: Boris Artzybasheff.

    Corps d’eau

    Le passage de la vie aquatique à la vie terrestre est l’une des étapes les plus importantes de l’évolution de la vie sur Terre. Cette transition s’est déroulée sur des millions d’années, alors que les premiers organismes aquatiques s’adaptaient aux défis et aux opportunités présentés par l’environnement terrestre. Parmi ces défis, citons la nécessité de conserver l’eau: les êtres vivants devaient en quelque sorte «intégrer la mer en eux», même si l’eau biologique, bien que notre corps en soit principalement composé, ne représente en vérité que 0,0001 % de l’eau totale sur Terre.

    L’eau est impliquée dans de nombreuses fonctions essentielles de notre corps, notamment la digestion, la circulation et la régulation de la température. Néanmoins, nos fluides corporels, qu’il s’agisse de la sueur, de l’urine, de la salive ou des larmes, ne sont pas seulement contenus dans nos corps individuels, mais font partie d’un système plus vaste qui inclut toute la vie sur Terre, brouillant les frontières entre notre corps et les corps plus qu’humains et nous reliant au monde qui nous entoure. Les spécialistes ont décrit cette idée sous le nom de hypersea: les fluides qui circulent dans notre corps sont liés aux océans, aux rivières et aux autres étendues d’eau qui composent la planète et font partie d’un système plus vaste qui relie tous les êtres vivants.

    Reconnaître l’interconnexion de toutes les formes de vie sur Terre et le rôle que joue l’eau dans ce réseau interconnecté peut nous aider à mieux comprendre notre place dans le monde et l’importance de travailler ensemble pour protéger et préserver ce précieux élément. Cependant, pour saisir pleinement les conséquences de cette perspective, il est judicieux d’examiner certaines questions abordées par la spécialiste Astrida Neimanis, théoricienne de l’hydro-féminisme, dans son livre «Bodies of Water».

    L’une des principales contributions de la pensée hydro-féministe au débat sur les étendues d’eau concerne la proposition de rejeter la notion abstraite de l’eau à laquelle nous sommes habitués. L’eau est généralement décrite comme un liquide inodore, insipide et incolore qui se raconte à travers un cycle schématique et déterritorialisé qui ne représente pas efficacement la réalité évolutive et pourtant située des étendues d’eau. L’eau est principalement interprétée comme une ressource neutre que nous devons gérer et consommer, alors qu’il s’agit d’un élément complexe et puissant qui affecte nos identités, nos communautés et nos relations. De profondes inégalités existent dans nos systèmes d’eau actuels, façonnés par des structures sociales, économiques et politiques.

    Astrida Neimanis cite un exemple explicitement lié aux fluides corporels. Le projet «Mothers’ Milk», mené par la sage-femme mohawk Katsi Cook, a révélé que les femmes vivant dans la réserve mohawk d’Akwesasne présentaient une concentration de PCB supérieure de 200 % dans leur lait maternel, en raison du déversement de boue de General Motors dans des fosses situées à proximité. Les polluants tels que les POP (polluants organiques persistants) sont transportés par les courants atmosphériques et se déposent dans l’Arctique, où ils se concentrent dans la chaîne alimentaire et sont consommés par les communautés arctiques. En conséquence, le lait maternel des femmes inuites contient deux à dix fois plus de concentrations d’organochlorés que les échantillons prélevés sur les femmes des régions méridionales. Ce «fardeau corporel» présente des risques pour la santé et affecte le bien-être psychologique et spirituel des femmes allaitantes. Le déversement des PCB est une décision humaine, mais la perméabilité du sol, le tracé de la rivière et l’appétit des poissons sont pris dans ces courants, ce qui en fait un problème multi-espèces.

    Ainsi, même si nous sommes tous dans la même tempête, nous ne sommes pas tous dans le même bateau. L’expérience de l’eau est façonnée par des facteurs culturels et sociaux, tels que le sexe, la race et la classe, qui peuvent affecter l’accès à l’eau potable et la capacité à participer à la gestion de l’eau. L’histoire des femmes inuites montre clairement que l’eau, même si elle fait partie d’un cycle planétaire unique, est toujours incarnée, tout comme les plans d’eau et leur interdépendance complexe. Si l’hydro-féminisme nous invite à rejeter une perspective individualiste et statique, il nous rappelle également que les différences doivent être reconnues et respectées. En effet, ce n’est que de cette manière que la pensée peut être transformée en action vers des relations plus équitables et durables avec toutes les entités.

    Astrida Neimanis aborde également le rôle de l’eau en tant qu’élément gestationnel, une métaphore du pouvoir transformateur et mystérieux de cette substance qui donne la vie. À l’instar du liquide amniotique qui entoure et nourrit un animal en pleine croissance, l’eau peut soutenir et entretenir la vie, nourrir et protéger, et favoriser la croissance et le développement. En ce sens, l’eau peut être considérée comme un symbole d’espoir et de possibilité, une source de renouveau et de régénération qui peut nous aider à faire face aux défis et aux transitions de la vie. Comme un élément gestationnel, l’eau a le pouvoir de nettoyer, de guérir et de transformer. Alors que nous cherchons à trouver notre voie dans un monde en constante évolution, nous pouvons considérer l’eau comme une source intérieure de force et d’inspiration, un rappel de la résistance et de l’adaptabilité de la vie, ainsi que du potentiel qui réside en chacun de nous.

    Image: Edward Burtynsky, Centrale géothermique de Cerro Prieto, Baja, Mexique, 2012. Photo © Edward Burtynsky.

    Vivre le Rhône: le podcast

    Vivre le Rhône: un podcast d’Audrey Bersier et Martin Reinartz

    Cher•e•x auditeur•rice•x,

    Depuis juin 2022, le Natural Contract Lab et l’association least déploient des pratiques de marche accompagnée, de tissage collectif, de rituels de soins, d’expériences somatiques et de cercles réparateurs. Autant de pratiques permettant de repenser la relation que les humains entretiennent avec le Rhône.

    Ce que vous allez écouter est le premier épisode d’un podcast en trois parties, retraçant l’expérience de celleux qui se sont rapproché•es du fleuve en marchant.

    J’aimerais vous souffler quelques conseils avant que vous vous lanciez dans l’écoute de ce podcast.

    Si vous en avez la possibilité, rendez-vous sur le pont du Seujet, qui se trouve en plein centre de Genève. Prenez de bons écouteurs avec vous, de quoi écrire et votre gourde avec de l’eau ou votre tisane préférée. Une fois arrivé•e, lancez la lecture de l’audio.

    Vous pourrez choisir de rester sur le pont ou de marcher le long du fleuve, en direction du pont Butin par exemple, comme indiqué sur la carte qui suit.

    Vous pouvez aussi vous installez simplement dans un endroit qui vous est agréable. Et fermez les yeux.

    Bonne écoute !

    0:00 /

    Avec des textes librement inspirés de L’inconnue du Haut-Rhône et Les Sœurs Caramarcaz de Corinna S. Bille, ainsi que Voyage en Suisse d’Alexandre Dumas.
    Carte réalisée par Maud Abbé-Decarroux.

    *Tous les efforts possibles ont été faits pour obtenir les autorisations nécessaires et pour retrouver les détenteur•trice•x•s de droits d’auteur•trice•x•s, mais nous serons heureux•se•x de prendre les dispositions utiles pour obtenir l’autorisation de reproduire le matériel contenu dans ce podcast auprès des détenteur•trice•x•s de droits d’auteur•trice•x•s qu’il n’a pas été possible de contacter.

    «Common Dreams», une plateforme flottante à Genève

    least, une association qui veut sauver la planète grâce aux arts

    L’association least rêve de sauver la planète grâce aux arts

    Une plateforme sur les flots pour mieux vivre

    Une école flottante pour repenser notre rapport au climat et à l’environnement

    Un sentiment profond de devoir agir

    Parlez-nous brièvement de vous et expliquez-nous comment vous êtes devenue éco-activiste.
    Je ne dirais pas que je suis une activiste. En dehors de mon rôle de coprésidente, je suis élue au parlement de ma ville. J’ai également créé un collectif écoféministe avec deux amies à Bienne, « La Bise », et je gagne ma vie comme infirmière dans le domaine de la petite enfance. Peu avant mes 18 ans, j’ai ressenti un sentiment profond de devoir agir. Ou au moins d’essayer. Je ne saurais vraiment dire ce qui a créé ce besoin de m’engager. J’ai commencé mon engagement politique au sein d’un petit groupe de jeunes vert·e·s. Et un jour les choses se sont enchaînées. On m’a demandé si je souhaitais me mettre sur une liste électorale. J’ai accepté et j’ai été élue. Cet événement m’a beaucoup aidé à réseauter et à trouver des personnes avec qui je pouvais échanger, militer, créer de nouveaux projets.

    Dans quel état se trouve les glaciers en Suisse ? Et en quoi est-ce important de prendre soin des glaciers en particulier ?
    L’état des glaciers en Suisse est désastreux. Avec la fonte des glaciers, la Suisse perd (en plus de sa biodiversité et de ses hivers blancs, entre autres) une importante réserve d’eau qui, selon les estimations, pourrait assurer la consommation de sa population pendant 60 ans.

    Une partie de la résistance aux révolutions telles que l’abandon des énergies fossiles est liée à des intérêts économiques. Jouons à un jeu de scénarios : avec et sans énergies fossiles, à court et à long terme…
    La croissance ne peut être infinie, elle nous conduit à notre propre destruction. L’indépendance vis-à-vis des combustibles fossiles nécessite de soutenir d’autres formes de sources d’énergie. En Suisse, la production d’électricité provient principalement de centrales hydrauliques (62%), de centrales nucléaires (29%), de centrales thermiques conventionnelles et d’installations d’énergies renouvelables (9%). Produire notre propre énergie nous permet de ne plus dépendre d’autres pays. C’est l’occasion pour les États de tracer une nouvelle voie et de créer des emplois dans de nouveaux domaines. C’est donc une bonne chose pour l’économie.

    La protection de l’environnement est un sujet complexe. Parfois, pour corriger une erreur, on en commet une autre. Quelle est votre stratégie pour faire face à cette complexité ?
    Si on pense sans arrêt à ce qu’on va faire de mal, on ne peut aller de l’avant avec des stratégies qui ont un impact réel. On ne peut pas toujours tout faire correctement, mais on peut mettre en place des mesures qui ont un impact important sur le changement à long terme. Comme une indépendance vis-à-vis des sources d’énergies importées qui sont nocives pour la planète.

    La solastalgie est une forme de détresse causé par l’impact du changement climatique, qui s’accompagne souvent d’un sentiment de perte vis-à-vis d’un paysage bien-aimé. Avez-vous l’impression de souffrir de solastalgie ? Et quelle est votre expérience de ce problème dans les communautés suisses ?
    La solastalgie est un terme relativement peu connu, mais, en discutant avec des personnes vivant dans des régions plus sauvages ou alpines, on relève parfois ce sentiment de détresse vis-à-vis d’un paysage disparu ou modifié. Les sensibilités au changement climatique sont aussi diverses que les régions de suisse. Le lieu d’origine d’une personne influence la manière dont elle réagit aux conséquences de ce changement. Il semble naturel d’être plus touché par le manque de neige en hiver ou par la fonte des glaciers lorsqu’on vit ou que l’on a grandi en milieu alpin. Les personnes plus citadines sentent par exemple davantage les îlots de chaleur et la suffocation grandissante en été. À l’heure actuelle, je pense que je souffre davantage d’éco-anxiété que de solastalgie.

    Vous faites partie du collectif écoféministe La Bise : pouvez-vous me parler des activités du collectif et de ce que les instances écoféministes apportent en particulier à la lutte générale contre la crise climatique ?
    La Bise est un collectif qui tente de rassembler les luttes. Le collectif a été créé il y a bientôt cinq ans. En parlant avec deux amies de ce qui nous animait ou nous agaçait dans les luttes féministes et écologiques, j’ai eu envie de nous réunir toutes les trois. L’idée de créer un espace bienveillant et inclusif pour parler de nos engagements était au cœur de notre ébauche de projet. Dans un premier temps, nous étions mobiles, nous n’avions pas de local. Puis nous avons pu créer notre bibliothèque écoféministe. La bibliothèque regroupe des livres de plusieurs catégories : féminisme et genre, séxualité, livres pour enfants, bandes déssinées. Nous avons une bibliothèque écoféministe, mais nous organisons aussi plus ou moins régulièrement des événements qui lient la lutte pour la protection de la planète et la lutte pour l’égalité des genres.
    Plusieurs études montrent que les femmes et les minorités de genre font partie des êtres humains les plus touchés par le changement climatique. Un exemple parmi d’autres : les femmes et les minorités de genre sont souvent oubliées lors des catastrophes naturelles – souvent parce que ce sont ces mêmes personnes qui prennent soin des autres.

    Une initiative pour accompagner notre société dans sa transformation

    newsletter

    Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir des contenus sur nos activités, nos inspirations et nos derniers articles !